L’édition en « intégrale » de la série Pirates que j’ai réalisée avec Philippe Bonifay , marche très bien en librairie,c’est le cas d’ailleurs de beaucoup de livres de ce type et de l’ensemble de la collection » haute densité » sortie par mon éditeur.
Cette situation pourtant peut poser question. Ne sommes-nous pas en face d’un phénomène qui rapproche la bande dessinée du livre classique,long processus commencé avec l’album et qui va s’achever avec l’intégrale,qui n’est rien d’autre que la BD dans un format et un volume au plus près du roman .
La BD vient de la presse,elle est née dans des quotidiens, a pris son autonomie dans des revues qui lui étaient entièrement vouées , Spirou ,Pilote ,Métal Hurlant etc… de ces revues est né l’album qui sacralisait ce moyen d’expression en lui offrant la perennité du livre.Mais très vite l’album a tué la revue ;pourquoi acheter un journal alors que ce que je lis va sortir en livre d’ici quelques semaines et sera rangé définitivement dans une bibliothèque ,la vraie place du livre ,la revue elle, subit mal les outrages du temps.
Le long processus pour se rapprocher du livre classique était commencé.
Avec l’influence japonaise les formats ont changé ,plus de volume ,moins de grand format ;quelle différence entre un Tanigushi,une KIKI de Montparnasse et un livre de la collection blanche de Gallimard , sur les étagères ,presque aucune ! Les intégrales sont dans cette continuité,mais le risque est que le phénomène se reproduise.Pourquoi acheter des albums ,puisque la compilation va sortir.Inexorablement la bande dessinée glisse vers le livre classique ,en quoi est-ce préjudiciable direz vous ? uniquement pour l’auteur.L’auteur de BD est passé du statut de journaliste, à celui d’auteur de BD travaillant régulièrement pour un éditeur ,à auteur de livre,Comme un écrivain.
Évolution plutôt flatteuse,certes, mais écrivain n’a jamais été un métier.Un livre du volume d’une intégrale s’il devait sortir directement dans ce format coûterait très cher ,bien plus cher qu’un roman .Les éditeurs n’auront plus le budget pour en financer la création et le proposer à un prix abordable ;Voici donc l’auteur de BD arrivé au stade de l’écrivain, c’est à dire n’ayant plus de métier. Les auteurs de demain devront s’ils veulent publier des livres ,comme leurs homologues romanciers avoir une autre activité,enseignant ,jardinier,directeur de collection ou autre ,et, à temps perdu pendant leurs vacances, ou leurs soirées ,dessiner leur œuvre.Vision pessimiste des choses ? je ne crois pas ,de nombreuses maisons d’édition proposent déjà des sommes pour réaliser un livre, qui ne permettent à personne de vivre de ce travail,le processus est enclenché :
les auteurs de BD sont des écrivains comme les autres.